
Dans une société où l’information circule sans filtre, certains sujets demeurent pourtant enveloppés de silence, de gêne ou de maladresse. La sexualité en fait partie. Et si ce n’était pas le sujet lui-même qui était tabou, mais notre capacité à en parler librement, avec nuance et conscience ?
Dans cette interview, nous explorons les liens intimes entre sexualité et société : ce que notre liberté de parole dit de notre époque, comment nos désirs peuvent être influencés, ce que signifient vraiment le consentement, le plaisir ou encore le genre. Un échange profond et sans détour, pour repenser la sexualité non plus comme un tabou, mais comme une voie d’émancipation, de transformation… et d’humanité.
Est-ce que la sexualité est un sujet tabou ? Qu’est-ce que la liberté de parole sur ce sujet dit d’une société ?
La sexualité est souvent qualifiée de « tabou », mais ce mot masque une réalité plus complexe : celle de la gêne, de l’inconfort, et du manque d’habitude. Nous parlons peu de sexualité car nous manquons d’éducation et de transmission apaisée sur le sujet. Or, la gêne est une étape naturelle avant l’aisance, comme dans tout apprentissage. Le changement vers plus d’ouverture demande audace, curiosité et parfois juste une personne à l’aise pour ouvrir l’espace du dialogue authentique. Ce n’est pas tant le sujet qui est tabou, que notre capacité à en parler « de savoir en parler » et « d’oser en parler ». Certes, chaque époque et chaque culture a ses propres sensibilités – à nous de choisir ce qu’on décide de perpétuer ou de transformer. Le dialogue est un art qui s’apprend, par les questions, l’écoute, ou la simple présence. Évoluer sur ces sujets, c’est aussi choisir avec qui l’on échange, car le contexte et notre entourage façonnent aussi nos possibilités.
À l’inverse, nos envies, nos désirs et notre sexualité peuvent-ils être matrixés par la société ? Par exemple, en lien avec l’éducation, le fait de grandir avec l’idée du Grand et Unique amour ou encore plus récemment les darks romances qui semblent beaucoup inquiéter ?
La liberté de parole sur la sexualité révèle le degré de maturité d’une société. Parler de sexualité, c’est parler de souveraineté, de respect de soi, de l’art d’être en symbiose avec son corps, la vie, les autres, les relations, d’énergie vitale, de lien au vivant, d »Amour, Une société silencieuse, coincée par les tabous ou pudiques transmet peurs, tabous et traumas (et favorise les viols et les catastrophes) au lieu de transmettre conscience, bien-être et responsabilité.
La peur empêche l’énergie de circuler, bloque la vitalité, fige les corps et les esprits, en découle de nombreux effets délétères. Accompagner la sexualité, c’est cultiver la souveraineté, l’autonomie, la beauté de la vie. La parole libère, nuance, répare ; le silence enferme, répète et abîme.
C’est aussi une question de cohérence. La société pose des lois. Elle détermine l’âge de la majorité sexuelle, mais rien n’est fait en conscience et de manière responsable pour accompagner les jeunes vers la maturité. Les adultes sont absents, mais on attend que les nouvelles générations soient suffisamment éduquées par la magie de l’absence des adultes. Permettez-moi de dire que c’est absurde et irresponsable. Transmettre gênes, peurs, traumas, interdits, inconforts est tellement triste. La liberté de parole permet de nombreux bénéfices (exprimer, nuancer, comprendre, évaluer, distinguer, éviter de reproduire les problèmes…). Les interdits et les secrets au contraire perpétuent les dérives, les catastrophes, les viols…Etc. Il est temps de faire autrement.
C’est en osant parler qu’on transforme les normes (au sens normalité) et qu’on fait évoluer la société vers plus de cohérence, d’amour et d’humanité.
Plaisir féminin et masculin, la société y accorde-t-elle la même importance ?
La société n’accorde rien en soi, c’est juste une somme d’individus et de comportements. Regarder l’histoire est très instructif. Regardons d’où nous venons. A titre d’exemple, on peut constater que toute la société, hommes et femmes, ont été castrée pendant plus d’un siècle par l’enlèvement du clitoris dans les livres de médecines (anatomie). On ne peut que déplorer une longue dérive depuis de nombreux siècles. Les religions ont aussi beaucoup contraint et moralisé la sexualité tant masculine que féminine. Mais qui est donc la société? Les propos Freudiens n’ont rien arrangé, voire aggravé la situation. Ce qui est certain, c’est qu’on vient de très loin.
Je parlerais plutôt de milieux qui favorisent l’évolution positive des mentalités et de milieux qui régressent ou qui maintiennent une sous importance du plaisir féminn.
Je ne peux que féliciter toutes les personnes qui assument et soulignent l’importance du plaisir féminin. C’est fondamental. Les hommes et les femmes connaissent parfois si peu à ce sujet (le plaisir c’est ultra vaste et complexe). Malheureusement, on est encore dans une culture (certes et heureusement qui évolue positivement) qui valorise les hommes actifs sexuellement et qui dévalorise les femmes actives sexuellement (opinion, sous entendu, remarques, critiques, jugement).
De nombreuses femmes et hommes affichent et revendiquent le plaisir féminin. Il faut oser le dire, car ce n’est pas si évident pour toutes. Aussi, je déplore la culture qui simplifie le plaisir masculin qui est pourtant si complexe, subtile, diversifié et délicat. Ça appauvrit tant la sexualité et les relations sexuelles. Et si on parlait des plaisirs (et pas du plaisir) ?
La sexualité est belle quand les deux ont envie. Et pour avoir envie, il faut que l’expérience soit jouissive pour les deux partenaires. Permettez-moi de poser cette question aux hommes: Quelle importance, raffinement et priorité accordez-vous au plaisir de votre partenaire? Même si on ne maitrise pas tout, bien au contraire, le plaisir de votre partenaire féminine est-il au coeur de votre intention, pensées et actions quand vous faites l’amour? L’importance du plaisir sexuel de la femme dans la société est le miroir du plaisir individuel de chaque femme qui la compose. Le tout n’est que le reflet des vécus individuels.
La question du genre est de plus en plus présente aujourd’hui. Est-ce que cela vient bousculer quelque chose au sein des normes de la société en matière de sexualité ?
Certainement pour celles et ceux qui y sont sensibles. Le genre est une construction sociale qui associe à celui-ci des rôles, apparence, comportements, identité attendues. Le.genre varie selon les époques (ce qu’on attendait d’une femme en 1600 n’est pas ce qu’on attend aujourd’hui), il n’est donc ni universel ni figé. Certaines sociétés reconnaissent plus de deux genres. Il est donc évident que la question de la binarité rigide « homme/femme » (basé sur le sexe biologique) est très questionnable. Questionner la manière dont le genre est construit actuellement revient ipso facto à requestionner les normes sociétales. Comprendre que le genre est une construction sociale permet de remettre en question les stéréotypes et de s’ouvrir à son propre épanouissement indépendamment de ce que la société attend de nous. On agit au quotidien selon son genre et donc selon les attentes sociales et ce qui est valorisé ou non socialement. Si je suis un homme, je…. Si je suis une femme, je… Les hommes sont/font… Les femmes sont/font… Et évidemment, cela est intriqué avec les attentes et les comportements sexuels. Si je me pose la question de ce que je veux pour moi, je peux rapidement relativiser les normes sociales de genre, et m’ouvrir à plus de liberté qui correspond à qui je suis intrinsèquement. Je vois clairement dans ma pratique de sexologue que les gens s’émancipent de ce qu’ils croyaient figés et imposés issu de leur propre histoire et du genre, pour aller à la rencontre plus authentique à eux-même.
Qu’est-ce qu’une sexualité épanouie et peut-elle impacter notre quotidien et nos actions ?
Une sexualité épanouie est un processus intime, profond et évolutif, bien plus vaste que la simple satisfaction ponctuelle. Elle repose sur l’alignement avec soi, le respect de ses désirs, et la liberté d’explorer ce qui a du sens pour nous. Loin des injonctions et des attentes extérieures, l’épanouissement invite à l’authenticité, à l’amour de soi, et à l’expression libre de notre Être (tant dans la sensualité, l’érotisme et la sexualité). Cet épanouissement touche toutes les sphères de notre vie : confiance, joie, relations, professionnelles, créativité et est d’autant plus puissante quand elle prend racine dans notre sexualité. S’épanouir implique des choix plus conscients, enracinés et joyeux. À l’inverse, une sexualité frustrée peut générer nombre d’effets secondaires, tensions, blocages dans d’autres domaines de vie. Une sexualité vivante, n’est pas parfaite, même imparfaite elle nous aide à nous sentir vibrant·e, libre et profondément humain·e.
L’épanouissement sexuel n’est pas un aboutissement ou juste du plaisir, c’est un renouveau permanent au plus proche de soi, ancré dans l’enthousiasme et la vitalité de qui on est dans le présent. S’épanouir dans notre sexualité transforme notre quotidien, nos pensées, nos actes, nos aspirations de vie.
En France, l’actualité a récemment beaucoup remis la notion de consentement au cœur du débat. Quelle est l’importance du consentement dans la recherche du plaisir, et comment se fait-il que l’on retrouve aujourd’hui des situations où l’absence de consentement ne fasse pas consensus ?
Le consentement c’est choisir une expérience (avec tous les attributs du consentement que je ne développerai pas ici). Le plaisir c’est s’ouvrir à une expérience avec appétit, réceptivité, confiance, lâcher prise. Contrairement au fait de se fermer, se déconnecter, rejeter, avoir peur, craindre. Si on choisit une expérience, on s’ouvre à celle-ci. Le consentement est donc naturellement présent dans l’expérience du plaisir. Quand on s’autorise, le plaisir devient possible. Quand on s’interdit, le plaisir s’éloigne et devient difficile à atteindre. Certes le consentement n’est pas l’unique voie qui mène au plaisir, mais il est naturellement présent sous une forme ou sous une autre dans l’expérience du plaisir. Le consentement est plus du registre du « non abus » alors que le plaisir appartient à un registre de bien-être. Tout en étant connectés, ils ne sont pas du même univers « énergétique ». La notion de consentement pourrait laisser la place à un autre concept : l’art de cocréer, d’être partenaire. Etre au service de l’autre plutôt que de se servir de l’autre de manière égoïste. Évident ! Et pourtant…
La sexualité peut-elle transformer la société ?
Absolument ! C’est pour moi une telle évidence. La sexualité est tant la voie royale vers la transformation de la société que la voie incontournable pour espérer des transformations profondes, solides et pérennes. J’ai d’ailleurs récemment publié un podcast à ce sujet ICI.
La sexualité est une voie de transformation personnelle et sociétale. Si puissante que ceux qui ne veulent pas (consciemment ou inconsciemment) que la société évolue vraiment, l’en empêcheront.
La sexualité est bien loin d’être une simple quête de plaisir, elle invite à l’authenticité, la transparence, la confiance en soi, à développer sa sensibilité, la communication sincère, l’écoute, le consentement, la souveraineté, la considération profonde, la prise de conscience de ses propres intentions, la conscience de son propre corps, une meilleure compréhension de soi et des autres, une rencontre intime à soi et aux autre, et j’ose dire l’Amour avec un grand A.
A contrario, on peut croire stupidement que la politique changera positivement le monde, alors que la politique actuelle n’est que l’inverse des valeurs humanisantes que la sexualité nous apprend.

Retrouve Olivier sur Love Health Center où l’on retrouve de nombreux articles et podcasts passionnants mais aussi des outils incroyables comme le Carnet d’observation cycles masculins. Il organise également des évènements et stages autour de différentes thématiques à retrouver dans l’Agenda du Love Health Center 😉
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